jeudi 31 juillet 2014

Douze contes de Paris et de Provence‎ par Paul Arene, illustrés par Léo Lelée.

Ouvrage enrichi d'une gravure originale...
Paul Arène est né à Sisteron, le 26 juin 1843 dans une rue passante où son père était horloger et sa mère modiste. Les "Arène" possédaient encore des terres qu'ils faisaient valoir. C'est assez pour recevoir en don la passion du terroir et celle du travail bien fait. Tout Arène est là, il sera un ciseleur du verbe, et le meilleur de son œuvre c'est la terre sisteronaise qui va l'inspirer,avec sa lumière, ses senteurs, le soleil brûlant, et tout ce qui vit, bruisse, chante, dans les lavandes et le thym.


Après de bonnes études au collège des Frères de Sisteron, bachelier, Arène prépare, à Marseill
e, une licence de philosophie. Nommé en 1863 à Vanves, si près de Paris, il y apporte l'ambition d'une carrière littéraire... et après le succès d'un acte joué à l'Odéon , " Pierrot héritier ", Arène en oublie Vanves et l'enseignement. Il vivra de sa plume.


Il se lie avec Coppée, Bataille
, Mendés, avec Daudet surtout. Mais il a besoin de soleil... et, de Sisteron... il y revient souvent. Il se lie aussi avec Aubanel, le groupe de Fonségugne, Mistral surtout, qui sera toujours plus qu'un ami, un confident. 


Arène passe l'été 1868 à Sisteron. Un bel été, puisqu'à la Cigalière, le dos appuyé au vivier, à l'ombre du laurier, il écrit " Jean des Figues ", en deux mois... C'est un chef-d'œuvre, " son chef-d'œuvre " , dans lequel il s'est raconté. Paris de nouveau. En 1870, il est capitaine de ces mobiles qui s'illustrent partout dans la France envahie. En 1871, Mistral demande pour lui aux Roumieu de Beaucaire, la main de Naïs, cette Naïs qu'il avait aperçue quelques années plus tôt et n'avait pas oubliée. Naïs lui est refusée. Le cœur d'Arène saigne. Il n'oubliera jamais Naïs Roumieu.



La vie reprend, morose, triste, Arène porte sa blessure. En 1872, il perd sa mère. Il demande au travail, sinon l'oubli, du moins un apaisement. Il écrit de nouveau pour le théâtre " Le Char ", " L'Ilote ", " Les Deux Augures ", mais il vit surtout des contes et nouvelles qu'il donne aux journaux ou réunit parfois en recueils.  Jamais cependant ses contes parisiens : " Friquettes et Friquets ", " Paris Ingénu ", " Les Ogresses " n'ont l'éclat, la beauté, la chaleur de ceux que Sisteron inspire : " Contes et Nouvelles de Provence ", " La Gueuse Parfumée ", " La Veine d'argile ".


Du reste, Arène passe désormais l'été à Sisteron, l'hiver à Paris et lorsque sa santé s'altérera, miné par la " Fée Vert ", il séjournera à Antibes dès l'automne, Antibes qui lui dicte " La Chèvre d'Or " (1889). 1888, Arène a perdu son père. Isabelle, sa sœur, l'attend seule dans la maison de la rue Droite où elle s'est fixée.


En 1894, Arène est souffrant, mais dans " un sursaut de talent ", il écrit " Domnine ". C'est une œuvre forte, concise, et une peinture de Sisteron et de sa société vers 1870. En août 1896, le poète quitte Paris, passe à Sisteron quelques jours, et à l'automne avec sa sœur, gagne Antibes où il s'installe à l'hôtel d'Alsace, sur les remparts. Il travaille, parcourt la ville quand le soleil est là. Mais le soleil se refuse souvent. Bientôt Arène ne quitte plus sa chambre et, au soir du 17 décembre, on l'y trouve mort à sa table de travail, le front écroulé sur un conte inachevé. Le poète repose à Sisteron, en haut du cimetière : " Je m'en vais l'âme ravie, d'avoir rêvé ma vie ". [J.C Clariond]


L'ouvrage que je vous propose aujourd'hui à la vente est un des plus beaux hommages que la Provence fit au poète et écrivain. Il est illustré par Léo Lelée que j'ai déjà présenté sur le blog, ici (vous pouvez cliquer). Les bibliophiles apprécieront que cet exemplaire, à tirage limité, soit enrichi d'un dessin original signé et aquarellé par Léo Lelée. .. Pierre


ARENE (Paul). Douze contes de Paris et de Provence‎. Paris, Les Quatre Livres, 1930. Un volume in-4 (32/23cm) en feuilles, sous couverture éditeur crème imprimée en noir et rouge, chemise et étui verts, étiquette de titre et d'auteur sable. Très belle édition illustrée de 50 lithographies en couleurs, dans le texte et à pleine page, et de douze lettrines par Léo Lelée. Tirage à 250 exemplaires, celui-ci un des 200 sur vélin blanc de Rives (n°172). Enrichi d'un dessin original signé de Léo Lelée. Bel exemplaire.‎ Vendu

mercredi 30 juillet 2014

Guide des acheteurs, Marchands de cheval et Marchands de chevaux par Alphonse Pierre.


Cela faisait déjà quelques temps que je n'étais pas revenu à mon "dada" de bibliophile débutant : le cheval. J'ai souvent dit, avant de commencer le métier de libraire d'ouvrages anciens, que le jour où je possèderai une belle édition in folio de l’École de cavalerie par La Guérinière, je pourrais arrêter ce métier comme si la possession de cet ouvrage emblématique avait été l'aboutissement de ma passion pour le beau livre. Je n'ai toujours pas ce livre ! Mais j'en ai d'autres…


Voici aujourd'hui, à la vente, l'unique édition d'un ouvrage agréable admirablement illustré par Ernest Barthélemy (aide-vétérinaire au 10ème hussard). Dans son texte, l’auteur passe en revue toutes les ruses des maquignons et des marchands de chevaux et donne les moyens de s’en prémunir. Étonnant ! Il y a, en fait, autant d'écueils à éviter avant d'acquérir une belle édition ancienne que d'écueils à affronter avant d'acheter un cheval en bon état, " adapté à l'usage auquel on le destine ", dit-on…


L’auteur, Alphonse Pierre, était Vétérinaire en premier au 29ème dragon et ancien professeur à l’École de cavalerie de Saumur. Un connaisseur, donc ! Je me souviens que quand j'étais vétérinaire à Saint-Cyr Coetquidan, j'avais aussi à faire le choix de chevaux pour le service de la  "remonte ". Le risque était moins grand pour la nation, cependant… Il ne s'agissait pas de choisir des étalons pour la charge de la " Brigade légère " mais simplement des chevaux pour apprendre aux Saint-Cyriens à tenir à cheval.


L'examen complet d'un cheval et la juste appréciation de ses qualités (ou de ses défauts) sont choses fort difficiles qu'il ne faut pas songer à apprendre aisément. Je ne suis pas certain, d'ailleurs, que nos professeurs de l'époque nous aient particulièrement formés à cette épreuve.  Cette faculté de saisir dans un sujet ce qu'il y a de bon et ce qu'il y a de mauvais est pour ainsi dire naturelle ; le milieu, l'éducation et une longue expérience ne font que perfectionner cette qualité. Et il n'est pas impossible que ce don ne nous soit pas aussi utile, alors, pour juger nos contemporains…


L'achat d'un cheval n'est pas toujours commode, même pour un connaisseur qui, bien souvent, deviendra d'autant plus circonspect dans son choix, qu'il saura mieux apprécier, non seulement les qualités mais la gravité des tares que peut présenter un cheval.  Tel cheval peut, un jour, n'avoir aucune distinction, aucune ligne, l'encolure courte et la queue mal attachée et le lendemain être devenu vif, expressif et la queue admirablement bien portée. Hasard ou tricherie ?  Il m'arrive, pour ma part, d'alterner la médiocrité et la sagacité intellectuelle sans avoir recours à un médicament…


Mais le fait est là : il est possible de cacher des défauts – sur les chevaux, entendons-nous bien - en employant quelques ruses ! Et l'utilisation de médications modernes en élargit la palette. D'un autre côté, l'utilisation de moyens d'investigation devrait théoriquement en diminuer la portée. Quelques expertises judiciaire m'ont cependant appris à relativiser la chose...


Alphonse Pierre avaient cependant sur nous l'avantage d'être un excellent connaisseur et un éminent professeur. La simple lecture de son ouvrage devrait donc vous permettre de " trouver pour cent écus le cheval de trois mille francs…".  Pierre


PIERRE (Alphonse) .Guide des acheteurs, Marchands de cheval et Marchands de chevaux. Librairie militaire S. Milon fils, Saumur, 1891. Un volume In-8. Reliure demi-basane fauve, dos lisse, filets, roulettes et lettres de titre dorés, gardes colorées. Page de titre illustrée d'un dessin d’attelage en noir et blanc. 323 pp. Édition originale. L’ouvrage compte 70 dessins d'Ernest Barthélémy. Il s’agit d’un texte à la fois technique et humoristique qui ne laisse rien ignorer du marché des chevaux, de sa science comme de ses ficelles. Très bel exemplaire, rousseurs clairsemées. 165 € + port

lundi 28 juillet 2014

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Monoblog…




Le temps des vacances est plutôt un temps de détente, pendant lequel j’essaie de décompresser, de me reposer. J’essaie, en même temps, de prendre un peu de hauteur par rapport aux activités habituelles de l’année ;  le dictionnaire – les mondanités... Et comme j’ai du mal à tout maitriser, c’est plutôt le temps du laisser-penser… Ça fait combien de temps qu’on se connait, en fait ? Cinq ans, au moins, non ? Si ça ce peut, vous vous faites une opinion erronée de moi ! Quelqu’un d’un peu distant ; le type même du gars qui vouvoie son personnel, pas tactile pour un sou, et qui ne s’intéresse jamais au sort des autres, c'est ça ? Je veux dire,  vous ne savez même pas quelles auraient été mes aspirations si un talent naturel pour l’écriture ne m’avait éloigné de ma première vocation ! Je vous la dis ? C'est un secret. En fait, j’aurais voulu être croque-mort...  C’est bêta quand on est un Immortel, n'est-ce pas ! Quand j’étais tout petit, déjà, je m’amusais à enterrer les hannetons. Au collège, je passais mon temps à confectionner des petits catafalques en cartons, c’est pour dire… Même que les dimanches de sortie, je suivais les convois mortuaires pour me changer les idées ! J’ai, bien sûr, dû arrêter cet agréable passe-temps quand j’ai enterré ma vie de garçon… Je sais, les croque-morts ne sont pas très recherchés en société mais ils sont utiles, quand même. Quand on a besoin d’eux, on les trouve. Ce n’est pas comme les plombiers pendant la période des vacances, par exemple. J’ai dit  "plombier" car c’est la première profession qui m’est venue à l’idée mais j’aurais pu dire "trapéziste"… Bien que pour réparer une fuite, un plombier, c'est quand même mieux. Ouiiiiiiiiiii,  je sais bien que si vous vous trouviez entre deux croque-morts, lors d’un repas, vous ne les inviteriez pas à diner le lendemain ! Pourtant ce sont des hommes comme les autres. Dame, ils ont un rude métier ! Il faut en avoir le goût. Le plus ennuyeux, c’est que les gens qu’ils transportent ne donnent jamais de pourboire. Maintenant, il y a des compensations… Vous pouvez enterrer votre belle-mère vous-même ! Tout le monde n’a pas ce plaisir là… Moi, si j’avais été croque-mort, j'aurais fait cadeau de mon squelette au Muséum d’histoire naturelle à mon décès, parce qu’après avoir servi aux morts toute ma vie, je trouverais normal de servir aux vivants toute ma mort (sic). Mais je suis Immortel, vous le savez, et si je suis digne d’un don ce n’est pas celui de don d’organe ! Ce n’est pas la meilleure blague que j’ai faite ces derniers temps…  Hein ? La plus mauvaise ? C'est possible. J’essaierai néanmoins de la placer à ma voisine de table lors d’un immanquable diner en ville, donné en mon honneur, en la cité de Tartarin. Si elle tombe à plat, pas ma voisine de table mais la blague – je suis très en forme, ce matin - je pourrais toujours dire qu’elle vient de la bouche même de Pierre, le brave libraire que je remplace, le lundi, à Tarascon : tout le monde le croira aisément, il n’est pas très drôle ces derniers temps… Il est aux prises avec son ordinateur qui rame et rechigne. Soit dit en passant, il y a peut-être lieu, aujourd'hui, d'ouvrir d'autres fenêtres que celles de Windows... Et vous, alors ? Non, je veux dire, et vous, chers lecteurs, ça ne vous dirait pas un peu de me parler de vous ? Vous n’êtes pas obligés de me répondre, hein ? Votre dévoué. Philippe Gandillet

Petit monoblog dédié à un ami, auteur de théâtre, qui fait, lui, dans un genre totalement différent : le monoblogue….

samedi 26 juillet 2014

André Chénier, 25 juillet 1794…


Il y a un peu plus de deux siècles, un 25 juillet, périssait par le sang le poète qui incarne, presqu'à lui seul, les excès du fanatisme révolutionnaire pendant la Terreur. André Marie de Chénier, dit André Chénier.

Fils d'ambassadeur, il voyagea en Suisse et en Italie. Puis il revint à Paris, où il passa quelques années. C’est pendant cette période (1783-1790) qu’André Chénier a composé, et le plus souvent ébauché, la plupart de ses poésies : élégies, bucoliques, idylles, poèmes didactiques. Mais il ne publia presque rien ; de son vivant ne paraîtront que le Jeu de paume (dédié à David), et les Suisses de Châteauvieux.


En effet, à partir de 1790, André Chénier est surtout journaliste. Il collabore au Journal de Paris. Il est constitutionnel. Partisan résolu de la Révolution, il voulait sauver la royauté et la personne du roi (il a aidé Malesherbes à préparer la défense de Louis XVI). 


Devenu suspect, il dut quitter Paris au lendemain du 10 août 1792, et se réfugier à Rouen et au Havre, où il échappa aux massacres de septembre. Puis il vécut pendant quelques mois à Versailles. Il était en visite, à Passy chez Mme de Piscatory, quand on l’arrêta, tout à fait par hasard ; ce n’était pas lui que l’on cherchait. Emprisonné à Saint-Lazare, le 7 mars 1794, il fut guillotiné le 25 juillet.
  

Les élégies sont au nombre de quarante. Chénier y chante ses amours, ses regrets, sa mélancolie. Le style en est délicat, précis, mais il est très difficile d’y faire la part de la sincérité et de l’imitation comme il l'avoue lui-même…
 
«Tantôt chez un auteur j'adopte une pensée,
Mais qui revêt chez moi, souvent, entrelacée,
Mes images, mes tours, jeune et frais ornement ;
Tantôt je ne retiens que les mots seulement       :
J'en détourne le sens, et l'art sait les contraindre
Vers des objets nouveaux qu'ils s'étonnent de peindre


Les amateurs vous diront qu'on trouve le vrai "Chénier" dans Les bucoliques et les idylles. Sans en pénétrer l’esprit ni la religion, il s’est attaché aux paysages, aux lointains harmonieux et purs, et surtout aux attitudes, aux gestes, aux personnages formant des groupes de bas-reliefs. Parmi les plus célèbres morceaux de ce genre, il faut citer, l’Aveugle, le Mendiant, la Jeune Tarentine et la Liberté.


C’est surtout comme écrivain et versificateur que Chénier peut être appelé "l’ancêtre des romantiques". Il assouplit l’alexandrin mais, beaucoup plus que des romantiques, il est l’ancêtre des Parnassiens. Ses véritables disciples sont Théophile Gautier, Leconte de Lisle et, dans la poésie philosophique, Sully-Prudhomme (Notre premier prix Nobel de littérature, quand même !).


Cette édition contient, dans le deuxième tome, le poème intitulé "Le Jeu de Paume" ainsi que de nombreuses œuvres politiques : Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, Lettre à Thomas Raynal, lettres au Journal de Paris, etc… A la fin du volume, on trouve un remarquable plaidoyer. On sait que le Roi, lorsque la sentence de sa mort fut prononcée, demanda à l'Assemblée, par une lettre pleine de calme et de dignité envoyée aux députés de la Convention, le droit de d'opposer au peuple, le jugement qui le condamnait. Cette lettre, écrite dans la nuit du 17 au 18 janvier 1793, est d'André Chénier.  Non coupable ! Pierre

CHENIER (André). Œuvres anciennes d'André Chénier, revues, corrigées et mises en ordre par D. Ch. Robert. Augmentées d’une notice historique par M. H. de Latouche. Paris, Guillaume libraire, 1826. Deux volumes in-8. Edition en partie originale imprimée sur papier vélin. Reliures demi chagrin vert, dos lisse, motifs, lettres et filets dorés, plats de papier marbré, gardes colorées, tranches mouchetées. XX-352 pp et  348 pp. Rares rousseurs. Bel exemplaire complet sans défaut majeur. 190 € + port