lundi 15 juillet 2013

Causerie du Lundi de Philippe Gandillet : Un Salon où l'on ne fait pas que causer…


Les convictions n’ont de raison d’être qu’à la condition de pouvoir en changer. Une mode qui existe aujourd’hui sera proscrite demain et ce que l’on dédaignait hier aura les honneurs du succès, le lendemain, sans que personne n’y trouve à redire... C’est exactement ce que je pensais, ce matin, en ouvrant la porte de la librairie tout en jetant un regard indiscret à travers la devanture de l’esthéticienne qui s'est installée juste à côté de la boutique de Pierre.


Avec l’été venu, une nébuleuse de demi-mondaines éthérées, délicates, nerveuses et neurasthéniques, vivant de régime, craignant le vent, le soleil et la pluie tout autant que le bruit et la fatigue se pressait, dès l'ouverture, dans ce Salon pour faire disparaître ce qui leur avait parfaitement convenu tout le reste de l’année… La saison d'été, que l'on a fini par galvauder en l'appelant "vacances" s'est construite récemment et elle a profondément modifié notre rapport au corps.


Car Madame va à la plage… Elle se lève à l’aurore, chausse des escarpins coupants, revêt un lin fripé, avale un mauvais café dans l’inconfortable kitchenette qui lui sert de résidence d'été et s’en va, les bras chargés d’un parasol encombrant, réserver sa place sur le rivage déjà bondé. Elle meurtrira ses petits pieds sur le sable brûlant, froissera ses jolies mains sur des ballons de plage, attrapera courbatures, coup de soleil et disgracieux boutons ; mais peu importe, Madame va à la plage !


Hier habillée, aujourd'hui quasiment nue… Madame ne saurait admettre que cet impudique exercice d’exhibition lui soit imposé par le dictat d'une mode changeante et elle ferme volontiers les yeux sur la déroute que subit sa beauté dans l’affaire. Ajoutons cependant que  si elle ne veut rien voir, il n’en sera pas de même de son voisin de serviette qui appréciera, à sa juste valeur, l'art épilatoire de la voisine de Pierre.


Il n'est que les vraies amies de Madame qui remarquent tous les désastres du bronzage intégral sur notre Diane moderne. Cheveux durcis et décolorés par le soleil, peau craquelée, teint semé de taches de hâle et enfin des boutons (la femme est une fleur qui ne doit pas germer), des points noirs que la poussière et le sable entassent dans les pores distendus de l’épiderme et que les soins de toilette, même les plus raffinés, ne sauraient faire disparaître…

Et puis, il y a les traits tirés par les incontournables sorties nocturnes au "Macumba" du coin ! On se pare, on babille, on se jalouse, on se dénigre les uns les autres, on boit trop de choses, on se disloque l’estomac, on dort mal, et le lendemain on baille tout le long du jour sur la plage en se frottant les yeux et en étalant son mascara.


Voici le bilan annoncé d'une saison balnéaire sujette aux agressions du soleil et des sunlights associés. Aussi est-il fort à propos, Madame, qu'un carême vienne remettre votre âme et votre corps d’aplomb à votre retour.


Passez donc à la boutique un de ces lundis ! Venez habillée, la peau fraîche, le visage reposé et les épaules protégées par une ombrelle. Je vous offrirai une orangeade sous le doux zéphyr du ventilateur de la boutique. Nous parlerons de ces modes vestimentaires changeantes qui déshabillent aujourd'hui sans rien révéler et qui font oublier aux hommes qu'une fine cheville entrevue peut être aussi émouvante à apercevoir que la ficelle arachnéenne d'un string entre deux fesses… Votre dévoué. Philippe Gandillet

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Une causerie au poil, me dit-on... Philippe Gandillet

Anonyme a dit…

On admire à sa juste valeur l'aspect classieux des deux boutiques qu'on dirait jumelles et on apprécie la sophistication du slogan en forme d'hypallage. C'est sûr, l'une comme l'autre paraissent deux bonbonnières et rien que de très aimable ne peut nous arriver si on y entre.

Jean-Michel

Pierre a dit…

Dans les deux commerces, on sent comme une nostalgie du passé... Pierre

Anonyme a dit…

La ficelle est un peu comme un marque plage...

Bien des libraires l'ont constaté en acquérant le livre d'été de vacancières distraites.


Michel P



Pierre a dit…

Maillot si fin qu'on l'oublie entre deux pages de livres...

Bien vu ;-)) Pierre