lundi 19 novembre 2012

La restauration d'une percaline est possible. La preuve par l'image…

Mes clients sont souvent mes maîtres...

Bernard Mamy (que je ne citerai pas) m'a fait découvrir les cartonnages romantiques à plaques ; leurs caractéristiques, leurs réalisations, leur histoire et leurs prix. Je les rassemble depuis plus deux ans en collectionneur plus ou moins exigeant. Il m'arrive de faire de petites restaurations de couleur assez faciles à mettre en œuvre (peinture sur soie Kniazeff) et j'utilise le papier japon que je teinte pour les petits manques. De façon idéale, je préférerais, n'acheter que des ouvrages parfaits mais la perfection se paie (et c'est bien normal) ou, plus embêtant, elle n'existe pas…















Je connais un excellent restaurateur amateur mais il habite en Belgique (il se reconnaîtra). Les percales ne sont néanmoins pas sa spécialité. Donc pour les percales, là encore, j'ai trouvé mon maître…


J'ai vendu à Francis Lucas (que je ne citerai pas, non plus) mon premier cartonnage il y a un an et demi. Il avait alors choisi un ouvrage parfait. Puis, quelques temps plus tard, malgré mon embarras, un cartonnage en état intérieur et extérieur passable mais, en contrepartie, rare à la vente… Nous nous sommes néanmoins mis d'accord sur un prix très raisonnable.

Et j'ai alors découvert que Francis savait très bien ce qu'il faisait ;-)) Graphiste et coloriste de métier (il est aujourd'hui à la retraite), il possède parfaitement l'art de la restauration des cartonnages romantiques à plaque qu'il collectionne aussi.


Comme je venais de lui vendre un autre ouvrage en bel état, mais avec un manque de percale, je lui ai demandé, pour le blog, de me faire un petit exposé " avant-après ". Je précise que Francis ne pratique son art que sur ses propres ouvrages qu'il ne re-commercialise pas après leur restauration. Il pratique aussi la dorure et la couleur mais cet exemplaire n'en avait pas un besoin flagrant…

Voilà ce qu'il m'écrit :

- Cette petite restauration se pratique comme une vraie opération chirurgicale.
- Nettoyer la percaline qui reste en prenant soin de la décoller au scalpel sur le pourtour au droit du manque pour insérer le nouveau morceau de percaline de même teinte pris sur le plat d’un vieux bouquin.
- Faire attention au sens du grain pour reprendre exactement le sens du grain de la percaline du livre à restaurer.
- Coller le morceau de percaline en prenant soin de ne pas faire déborder la colle.
- Ensuite avec une roulette à reliure sur un morceau de tissu au dos du livre, je donne la forme en pressant légèrement pour que les deux percalines se marient bien et sans surépaisseur.
- Avec un pinceau humide nettoyer le surplus de colle et essuyer  par tamponnage.
- Laisser sécher un certain temps pour finaliser avec les reprises de teinte de la percaline et la dorure.
- Les teintes sont des acryliques sans solvant (peinture à l’eau qui donne une texture parfaite au tissu l’enduit d’une percaline).


Je sais aussi qu'il a de petits trucs qu'il m'a confié, comme celui d'émincer le bord greffé pour éviter les sur-épaisseurs. Je sais aussi qu'il a des petits trucs qu'il ne dit pas  ;-))


Beau travail, non ? Pierre

9 commentaires:

Pierre a dit…

Pour moi, restaurer un ouvrage ancien ne procède pas du trucage mais participe à la protection de notre patrimoine. Je sais pourtant que la mode est aux boites...

On a bien restauré les plafonds de la Chapelle Sixtine ;-) Pierre

calamar a dit…

les boîtes ne servent pas forcément à protéger un exemplaire en mauvais état, apparemment...
et agir sur un livre si c'est le seul moyen de le sauver, qu'il soit broché ou relié, est certainement légitime, surtout si le livre est rare (et que la restauration est financièrement proportionnée...)

Pierre a dit…

En effet, Calamar, Patrice Goy et Carine Vilaine nous ont montré, sur le blog du bibliophile, qu'une boite pouvait être un écrin protecteur donnant encore plus d'éclat à un ouvrage rare et en bel état. Mais nous sommes là dans l'exceptionnel !

Quand on a la chance d'être adroit de ses mains et doué d'un raisonnement juste, l'avantage c'est que l'on peut protéger et restaurer un ouvrage pour un prix raisonnable puisque l'on ne compte pas son temps. Si on le calculait, d'ailleurs, on dépasserait le prix demandé par un professionnel ;-))

L'idéal serait que René et Francis habitent plus près de Tarascon. J'aurais du travail à leur donner ! Pierre

Anonyme a dit…

Bravo pour l'excellent travail de Francis et merci pour les petits trucs, il suffit parfois de peu de chose pour trouver la solution à un problème épineux. Comme je ne cesse de le répéter, un livre est un objet qui contracte facilement un aspect misérable mais qu'il est presque toujours possible de ramener à la vie. Les matériaux peu nobles comme les toiles et les percalines sont plus difficiles à traiter que le cuir et je ne les aborde qu'avec une certaine appréhension.
Les boîtes représentent souvent une solution intéressante, non pas comme cache-misère mais comme protection pour un livre en bon état qu'on ne souhaite pas relier : un ouvrage du XVIIIe dans sa brochure d'attente, une édition du XIXe ou du XXe qu'il faudrait habiller d'une reliure pastiche ...
La boîte offre évidemment une réversibilité parfaite.
Les retraités sont dispensés de comptabiliser les heures de travail ce qui les conduirait certes à dépasser largement les honoraires d'un professionnel.

René

pascalmarty a dit…

J'ai beau ne pas être trop maladroit de mes dix doigts, je reste toujours très admiratif devant ce que parviennent à obtenir les bons restaurateurs.
On pourra noter aussi qu'une bonne part des relieurs encore en activité gagnent certainement mieux leur vie (c'est une façon de parler…) grâce à la restauration que grâce à la reliure proprement dite, sauf à faire dans le grand luxe.

Anonyme a dit…

Intéressant et très bien illustré.
Prochaine étape : la restauration des "vieux livres au rebut". :-)

Jean-Michel

Anonyme a dit…

La restauration est une affaire de patience presqu'autant que d'habileté. Pierre me fait beaucoup trop d'honneur en me qualifiant d'excellent ; pour atteindre l'excellence il faut beaucoup d'expérience et de pratique, ce qui n'est pas mon cas. Comme je suis mon seul client, je ne crains pas les commentaires désobligeants mais je ne me risquerais jamais à exercer pour un autre.
René

Anonyme a dit…

Oui Jean-Michel, c'est un bon exercice et il faut commencer par là.

René

sebV a dit…

Beau travail !
Les restaurations sur toile ne supportent pas la moindre erreur sinon on ne voit que ça. Belle maîtrise ici