samedi 3 novembre 2012

Les Soirées de Médan où l'écriture à plusieurs mains...

Médan est une petite commune de 1500 habitants aujourd'hui, située dans le département des Yvelines, mais qui ne comptait que 240 sujets en 1880 dont 6 sujets de mécontentements si l'on en croit la préface écrite par les auteurs de l'ouvrage que je présente ici à la vente. " Les nouvelles qui suivent ont été publiées, les unes en France, les autres à l'étranger. Elles nous ont paru procéder d'une idée unique, avoir une même philosophie : nous les réunissons. Nous nous attendons à toutes les attaques, à la mauvaise foi et à l'ignorance dont la critique courante nous a donné déjà tant de preuves. Notre seul soucie été d'affirmer publiquement nos véritables amitiés et, en même temps, nos tendances littéraires ". Médan le 1er mars 1880



Cette petite ville résidentielle en bord de Seine fut au XIXeme la résidence de l'écrivain Emile Zola. Vous vous demandrez peut-être l'origine de ce livre à plusieurs mains ? Voici ce qu'en disait Maupassant : " Nous nous trouvions réunis, l'été, chez Zola, dans sa propriété de Médan. Pendant les longues digestions des longs repas (car nous sommes tous gourmands et gourmets, et Zola mange à lui seul comme trois romanciers ordinaires), nous causions. Il nous racontait ses futurs romans, ses idées littéraires, ses opinions sur toutes choses. Quelquefois il prenait un fusil, qu'il manœuvrait en myope, et tout en parlant, il tirait sur des touffes d'herbes que nous lui affirmions être des oiseaux, s'étonnant considérablement quand il ne retrouvait aucun cadavre.

Certains jours on pêchait à la ligne. Hennique alors se distinguant, au grand désespoir de Zola, qui n'attrapait que des savates. Moi, je restais étendu dans la barque la Nana, ou bien je me baignais pendant des heures, tandis que Paul Alexis rôdait avec des idées grivoises, que Huysmans fumait des cigarettes, et que Céard s'embêtait, trouvant stupide la campagne.


Ainsi se passaient les après-midi ; mais, comme les nuits étaient magnifiques, chaudes, pleines d'odeurs de feuilles, nous allions chaque soir nous promener dans la grande île en face. Or, par une nuit de pleine lune, nous parlions de Mérimée, dont les daines disaient : « Quel charmant conteur ! » Huysmans prononça à peu près ces paroles : « Un conteur est un monsieur qui, ne sachant pas écrire, débite prétentieusement des balivernes. »


On en vint à parcourir tous les conteurs célèbres. On alla s'asseoir, et, dans le grand repos des champs assoupis, sous la lumière éclatante de la lune, Zola nous dit cette terrible page de l'histoire sinistre des guerres, qui s'appelle l'Attaque du Moulin. Quand il eut fini, chacun s'écria : « Il faut écrire cela bien vite. » Lui se mit à rire : « C'est fait. »


Ce fut mon tour le lendemain. Huysmans, le jour suivant, nous amusa beaucoup avec le récit des misères d'un mobile sans enthousiasme. Céard, nous redisant le siège de Paris, avec des explications nouvelles, déroula une histoire pleine de philosophie, toujours vraisemblable sinon vraie, mais toujours réelle depuis le vieux poème d'Homère. Hennique nous démontra encore une fois que les hommes, souvent intelligents et raisonnables, pris isolément, deviennent infailliblement des brutes, quand ils sont en nombre. Je ne sais rien de plus drôle et de plus horrible en même temps que le siège de cette maison publique et le massacre des pauvres filles. Mais Paul Alexis nous fit attendre quatre jours, ne trouvant pas de sujet. Il voulait nous raconter des histoires de Prussiens souillant des cadavres. Notre exaspération le fit taire, et il finit par imaginer l'amusante anecdote d'une grande dame allant ramasser son mari mort sur un champ de bataille et se laissant « attendrir » par un pauvre soldat blessé. Et ce soldat était un prêtre...


Zola trouva ces récits curieux et nous proposa d'en faire un livre. ".  Je vous propose aujourd'hui à la vente ce recueil exceptionnel dans sa nouvelle édition de 1890. Il est parfaitement relié et le propriétaire, qui était bibliophile, a demandé à ce que l'exemplaire, en parfait état, soit revêtu de sa couverture d'origine. Pierre


ZOLA Emile - MAUPASSANT Guy de - HUYSMANS J. K. - CEARD Henry – HENNIQUE Léon – ALEXIS Paul. Les Soirées de Médan. Paris, G. Charpentier et Cie, Editeurs, 1890. Un volume in-8. Reliure demi-chagrin cerise, dos à nerfs, titre lissé et nom de l'ouvrage en lettres dorées, couverture conservé, gardes colorées. [3ff] – 295pp. Bel exemplaire en bon état de cette nouvelle édition qui renferme : L' Attaque du moulin de Zola, Boule de Suif de Maupassant, Sac au dos de Huysmans, La Saignée de Céard, L'affaire du Grand 7 de Hennique et Après la Bataille de Alexis. 60 €

4 commentaires:

pascalmarty a dit…

C'est toujours amusant de réaliser que, ah oui, au fait, non seulement ils étaient contemporains mais en plus ils étaient potes.
Mais j'avoue que je crois bien n'avoir jamais rien lu d'Alexis ou de Hennique, et sans doute même jamais entendu parler de Céard. La notoriété a ses préférences, et moi mes lacunes…

Ivres de Livres a dit…

Voici ce qu'en disait Flaubert : « Hennique a raté un bien beau sujet. – Et Céard parle de ce qu'il ignore absolument : la corruption de l'Empire. – Comme tous ceux, du reste, qui traitent cette matière, à commencer par le père Hugo. – La vérité est bien plus forte, – et plus simple. / Boule de suif écrase le volume, dont le titre est stupide. » À Guy de Maupassant. [24 avril 1880].

Pierre a dit…

La notoriété a ses préférences, et moi mes lacunes… : j'aime cette formule, Pascal ! J'espère que je ne suis pas passé à côté d'un génie littéraire en raison de mon manque de curiosité. Pierre

Pierre a dit…

Flaubert aimait bien Guy de Maupassant. Quel est celui qui est le plus connu des lycéens ? Zola. Le plus connu des téléspectateurs ? Maupassant. Le génie littéraire est peut-être Huysmans ? Je ne connaissais même pas le nom de Ceard... Pierre